Coup de projecteur sur un photographe emblématique d'Afrique du Sud
Jürgen Schadeberg (1931-2020) est considéré comme le père de la photographie Sud-Africaine.
Du 5 novembre au 24 décembre 2020 Bonne Espérance Gallery réunit à la galerie 3 rue Notre Dame de Bonne Nouvelle à Paris ainsi qu'à AKAA (Also Know As Africa) du 13 au 15 novembre une sélection d’œuvres emblématique de ce photographe pour qui le photojournalisme est un art qui participe à la construction de l’histoire.
Jürgen Schadeberg (1931-2020) est considéré comme le père de la photographie Sud-Africaine. Ses photographies sont entrées dans l’histoire documentant, dès les années 50, l’apartheid et la vie des quartiers noirs de Johannesburg.
Il a réalisé parmi les plus célèbres portraits de Nelson Mandela qu’il suivra jusqu’à sa libération, ainsi que de nombreuses personnalités politiques - Walter Sisulu, Oliver Tambo, Trevor Huddleston et Govan Mbeki, et musiciens et chanteurs de la scène jazz devenus légendaires Miriam Makeba, Hugh Masekela, Thandi Klaasen ou Kippie Moeketsi, captant la frénésie créative de l’époque dans la danse, la mode ou la musique.
Ses reportages témoigneront de la violence du régime de l’apartheid et de l’énergie vibrante de la vie quotidienne des townships.
Jürgen Schadeberg sera le mentor des photographes parmi les plus créatifs d’Afrique du Sud tels que Bob Gosani, Ernest Cole, et plus tard Peter Magubane.
Né à Berlin en 1931, Jürgen Schadeberg était le fils unique d’une actrice remariée à un soldat britannique à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Le couple quitte la pauvreté de l’Allemagne d’après-guerre pour l’Afrique du Sud. Le jeune Jürgen poursuit seul sa jeune carrière de photographe à Hambourg mais décide en 1950 de rejoindre sa famille en Afrique du Sud, pays considéré alors en Europe comme la terre de toutes les promesses.
Ayant grandi au cœur l’idéologie nazie, choqué par le régime raciste qu’il découvre le jeune Jürgen est très vite happé par l’énergie culturelle, artistique, politique et sociale de la communauté noire, commençant à faire des reportages sur l’injustice sociale. Ses reportages seront systématiquement refusés par les rédactions en place de l’époque.
« J’étais considéré comme un mouton noir par les blancs »
Il rejoint alors le magazine Drum, seul magazine mensuel life style destiné à la jeune bourgeoisie noire dont il deviendra le directeur artistique jusqu’en 1959.
Jürgen Schadeberg couvre toutes les contestations d’alors – les premiers discours de Nelson Mandela, la destruction de Sophiatown en 1955, le procès de Haute trahison de l’ANC entre 1956 et 1951, les funérailles de Sharpeville en 1960 (etc.) mais aussi la grande époque des jazz band des Clubs des townships, les scènes de la vie quotidienne ; rien n’échappe à son fidèle Leica 35 mm qui l’accompagnera toute sa vie.
Rare témoin blanc accepté par la communauté noire, ses reportages apporteront au monde un autre regard sur l’Afrique du Sud et sa réalité; alors que la pression de la police politique se resserre autour de lui, il quitte l’Afrique du Sud en 1965. Il y retournera 20 ans plus tard, documentant alors l’élan d’espérance de l’émergence de la nation Arc-en-Ciel jusqu’à la désillusion actuelle. Avant son retour en Afrique du Sud en 1985 Jürgen Schadeberg vivra à Londres, en Espagne, à New York et en France. Il enseignera la photographie à la New School de New York et à Central School of Art and Design de Londres et sera commissaire de nombreuses expositions.
Pour Jürgen Schadeberg, une image ne pouvait être capturée sans la vivre. Dans la lignée du photographe Henri Cartier Bresson, son œuvre témoigne de cette recherche permanente de l’instant, « la photographie est comme actionner le bouton pause de la vie ; vous capturez un moment qui disparaîtra pour toujours, impossible à reproduire. »
Son approche de la lumière, son sens de la composition et les sujets investis marquent la singularité de son travail.
© 2019 Bénédicte Colpin